ce récit fait suite à la première partie du sentier de Stubai
Du refuge de Dresdner jusqu’au refuge de Bremmer en passant par le refuge de Sulzenau et de Nurnberg.
Pourquoi aller plus loin et refaire le lendemain le chemin réalisé aujourd’hui me direz-vous ? Pourquoi marcher plus quand on peut moins ? Il est vrai que j’aurai pu m’arrêter à Sulzanau.
Mais, voyez-vous, je suis encore jeune et gourmand. Enfin jeune, c’est ce que j’aime à me répéter face à la glace et aux rides qui marquent déjà mon visage. Gourmand de randonnée, oui, je ne peux le nier. Parce que dans un sens ou dans l’autre, le chemin ne montre pas le même visage lorsque l’on regarde droit devant soi. C’est donc un sentier comme neuf. La lumière change, les odeurs changent, l’atmosphère change.
Par ailleurs, je souhaitais voir le glacier et je suis en montagne pour randonner que diable. Randonner le plus possible. J’apprécie alors d’autant plus une bonne douche, un repas chaud et le calme de mon lit lorsque mes muscles sont fourbis. On sent alors qu’on le mérite. C’est bête à dire mais cette fatigue est la plus agréable car au lieu de la subir, on l’a choisit. Or, rien n’est plus agréable que de sentir que l’on tient, en quelque sorte, le destin de ses jours au creux de ses mains ou plutôt, au bout de ses pieds. Je passe déjà assez de temps, dans ma vie, trop sans doute, le cul assis sur une chaise sans raison valable. Quand j’étais gamin, à l’école, je regardais par la fenêtre et je me demandais où est-ce que je pourrai filer si je partais… je me rêvais en Tom Sawyer. Rêvent-ils des mêmes choses les gamins d’aujourd’hui, accrochés à leur portable à voir passer sur leur écran un homme pendu filmé avec inconscience par leur idole riante au lieu de découvrir des mondes infinies dans la magie des mots ?
Alors, maintenant que l’âge me le permet, quand je peux marcher, je marche. Peut-être que cette approche ne fera pas sens pour tout le monde. Le chemin le plus court est-il toujours le meilleur ? Les raccourcis nous font parfois rater de belles choses. C’est ce que je me suis dit.
Au départ du refuge de Dresdner, la journée promettait d’être laiteuse et elle tient ses promesses. Néanmoins, tant que la pluie ni la neige n’allaient conjointement à ma rencontre, pour le moment, je n’avais pas à me plaindre.
Je passais en coup de vent au refuge de Sulzanau, juste histoire de remplir ma gourde après avoir avalé au trot la descente une fois dépassé les passages verglacés du col de Peiljoch.
Près du lac de Grunausee, je ne pouvais que m’arrêter faire quelques clics. Ces couleurs mes amis, ces couleurs… vous ai-je dit que c’était beau ? Et bien c’était fort beau et tant pis si je radote ! Avec un peu de soleil estival et plus de temps devant moi, je pense que j’y aurai piqué une tête et y fait certainement mon pique nique. Je vous le conseille. Faites-le pour moi et vous m’en direz des nouvelles ! Je savourais cette vue quand un bêlement de mouton me ramena à moi et je sus qu’il me fallait déjà repartir.
Le passage du second col, celui de Niederi arriva plus rapidement que prévu sur l’horaire, j’étais bien en avance.
J’arrive vers 12h au refuge de Nurnberg et prend de nouveau le temps de sortir mon drone, le Mavic Pro, pour quelques photos. Cela attise évidemment la curiosité des quelques randonneurs présents.
Un passage pour remplir ma gourde, quelque tours de balançoire, un pincement au coeur en disant que l’on serait bien rester la pour la vue et je m’en vais pique niquer plus loin, profitant d’une éclairci, sautillant de pierre en pierre tel un bouquetin juvénile.
La montée jusqu’au dernier col semble réellement interminable. C’est la troisième, la dernière et donc la plus longue. Je ne compte pas le dénivelé du jour mais je commence à le sentir. Je me tâte à prendre de nouveau le temps de sortir mon appareil photo ainsi que le drone du sac mais j’ai un pressentiment qu’il me faudrait me hâter. Ils ont prévu de fortes chutes de pluie et de neige en fin de journée. Je sens que l’orage gronde et je presse donc le pas. Le passage du Paradis ne présage pas l’ultime montée glacée et brumeuse qui nous attend au col de Simming Jochl. Le terrain est verglacé avec un bon 50cm de neige lourde. Il neige déjà à mi parcours, croyez-moi, on est bien content d’avoir des bâtons. La pente est assez raide et il suffit d’un mauvais pas pour faire une mauvaise chute qui me semble, à première vue, pas bien haute. A vue de nez, je dirai 25m tout au plus mais le brouillard nous joue des mauvais tours et, étant seul, nul besoin de précipices vertigineux pour se mettre en situation difficile.
Seul depuis le refuge de Nurnberger, les marcheurs se font plus rares en cette fin de saison dont la neige a surpris son monde, enfin je distingue, en ayant pratiquement le nez dessus, la Zoll hutte qui marque le passage du col. Les derniers 50m avec la neige soufflée dans laquelle je m’enfonçais parfois jusqu’au bassin était une vraie galère. Deux pas en avant, un pas en arrière suivi de quelques jurons. A ma surprise, je croise deux filles au col et, une barre de céréales rapidement avalée, après leur avoir donné quelques indications pour la descente, avec le vent qui souffle à vous faire geler le bout du nez, je ne demande pas mon reste. En tout cas, cette Zoll hutte est une bonne adresse à celui qui veut la paix des hommes. Quelques chaines froides et glissantes m’attendent sur 50m mais sachant le refuge de Bremer à moins d’1h de marche, je les avale vite moyennent quelques acrobaties.
Sur le chemin de Bremer, quelques bouquetins m’observent de haut. Longtemps, je n’ai su comme distingues les bouquetons des chamois. Sachez ceci, les bouquetins sont plus petits et les mâles ont des cornes plus imposantes. Il y a d’autres traits reconnaissables mais ceci sont les plus visibles. Je les dépasse puis me dit qu’il serait bête de ne pas en profiter pour ne pas sortir mon appareil photo une dernière fois de la journée. Evidemment, c’est à ce moment là qu’ils décident de filer. Il n’en sort rien de bien folichon.
Qu’il est bon de distinguer le refuge avant le gros de l’averse qui ne manque pas de tomber plus tardivement. Pour me récompenser de cette rude journée, je m’autorise un second chocolat chaud. Il y a l’eau chaude au refuge, le grand luxe ! Par contre, il faut être prompt pour la douche. Une fois la pièce insérée, c’est 3min d’eau chaude. Soyez agile et malin. On est nu, à moitié savonné, le bras tendu et le reste du corps déjà dans la douche pour en apprécier chaque goutte.
Petit conseil de sioux, l’eau glacée pour les jambes à chaque fin de journée de marche vous fera le plus grand bien.
Du refuge de Nurnberg jusqu’au refuge de Inssbruck
Dernier jour de marche. Déjà. Le corps s’habitue vie à ces journées à gambader sur les sentiers. J’aurai du faire guide… c’est ce que je me dis de temps en temps. Au moins je vivrai dans les hauteurs et je vivrai des hauteurs. Mais je ne sais pas si je ferai un bon guide. Je ne suis pas très patient ni forcément causant quand je marche. C’est pour cela que je marche d’ailleurs, me retrouver seul. Me trouver tout court même. Apprécier le silence des hommes pour mieux entendre le murmure des montagnes
A l’école, on ne te dit pas, tiens, tu pourrais faire guide de montagne mon grand. Ou écrivain virtuel. Explorateur. Chanteur. Peintre. Musicien. Acteur. Cosmonaute… non, non seulement il faut du travail et du talent mais il faut avoir une grande volonté pour transformer ses rêves de gosses en réalité. Le reste du temps, on envoie des gamins dans des cases qui ne leur correspondent pas. Ptet que celui-là aurait pu faire ingénieur si on avait cru en lui, et l’autre là, le blondinet, un bon médecin, et le grand, tout devant, malheureux aujourd’hui devant ses tableaux d’excell à fliquer ses subordonnés, un merveilleux pâtissier épanoui si on avait pas enterré son rêve dans la productivité sans âme.
Voilà le genre de pensée qui m’occupe lorsque la journée est pluvieuse à souhait. Je traîne au refuge. J’ai une bonne excuse, il y fait chaud et dehors il pleut, on n’y voit rien et puis je marche vite. Pas besoin de partir trop tôt. Certes je ne suis pas Kilian, loin de là, mais je marche bien assez vite pour avaler le sentier sans broncher.
Je n’aurai pas grand chose à vous montrer de la journée mais je vous dirai ceci. Il y avait quelques plaques de randonneurs disparus sur le chemin. Cette partie est vraiment plus aérienne et c’est sans doute celle où on se sert le plus des mains. Par endroit, même avec les chaînes, cela tient plus de l’escalade que de la randonnée. Il y a 3 cols à passer. Je ne sais comment, j’en compterai quatre.
Sur ce sentier étroit et glissant, j’ai croisé pas mal de monde comparé aux jours précédents, il y avait foule pour ainsi dire. Au moins 20 randonneurs dans la matinée se faufilant dans les nuages. Au bout de 2h, j’aperçois en face deux hommes à vive allure. On n’y voit tellement peu, tous les yeux rivés sur nos pieds que l’on manque à peine de se percuter. Ils m’arrêtent et me demandent le temps jusqu’au refuge. Ils me disent qu’ils sont partis il y a 2h d’Innsbruck. A peu près la même chose pour moi de Nurnberg. Je suis donc déjà à mi-parcours en 2h ? Bonne surprise. Cela projette la marche en 4h environ au lieu de 7h, un bon rythme.
Chose amusante, je mettrai réellement moins de 4h de Nurnberg à Innsbruck mais sur les 2 dernières heures, après avoir rencontré ces deux marcheurs qui, je le pensais, se sont moqués de moi, je me disais que cela n’en finirai jamais. Les sentiers en lacets interminables, des cols et faux cols. A courir dans les nuages, on est un peu désorienté.
Je marchais longtemps en t-shirt respirant, alternant avec une surcouche en gore-tex entre les quelques ondées car j’ai naturellement chaud mais à un moment le vent descendant des sommets avec quelques flocons me surprit à me faire claquer des dents. Sueur + peau découverte + froid brutal ne font pas bon ménage. Se couvrir de nombreuses couches est la meilleure solution pour éviter de finir congeler sur place. Heureusement que j’avais des gants de randonnée, ils n’étaient pas de trop.
Arrivée à Inssbruck, éternel rituel chocolaté avant la descente. Le paysage plus bas se dévoile, un nouveau monde s’ouvre à moi.
Mon programme sur le Sentier d’Altitude
Il a été réaménagé à mon arrivée. En effet, alors que la météo était au beau fixe avec des températures estivales il y a peu, voilà qu’il tombe 40 cm de neige fraîche en ce début de septembre rendant une partie du parcours sur les crêtes inaccessible. En tout cas, pas en mode randonnée. Cette neige surprise à mon arrivée me rappelle un peu mon passage sur un col lors du gr34 mais rien de comparable. Dès lors, à mon grand regret mais ainsi en décide parfois la montagne, mon parcours sur 5j a du être amputé d’une bonne partie.
A la place, je partis à la conquête de 2 des 7 sommets de Stubai les deux premiers jours : Hoher Burgstall – 2611m et le sommet du Serles : 2717m (ils feront l’objet d’un article à part)
Mon programme initial en Stubai sur 5j pour les curieux
J1
Arrivé matin aéroport Munich. Transfert jusqu’à Stubai. Gondola jusqu’à Kreuzjoch.
Marche de Kreuzjoch jusqu’au refuge de Starkenburger : 2h environ
Marche du refuge de Starkenburger jusqu’au refuge de Franz-Senn-Hütte : 6h environ
Au final j’ai réalisé cette partie lors de mon second voyage, vous pouvez retrouver le récit photo ici
J2
7h à 13h AR Ascension du Rinnenspitze (3.003m) avec un guide
Marche du refuge de Franz-Senn-Hütte jusqu’au refuge de Regensburger Hütte : 5h environ
Cette partie a été faite lors de mon second voyage, récit photo ici
J3
Marche du refuge de Regensburger Hütte jusqu’au refuge de Dresdner Hütte : 8h environ
J4
Marche du refuge de Dresdner Hütte jusqu’au refuge de Sulzenau Hütte : 3h environ
Marche du refuge de Sulzenau Hütte jusqu’au refuge de Nürnberger Hütte : 4h environ
Marche du refuge de Nürnberger Hütte jusqu’au refuge de Bremer Hütte : 4h environ
J5
Marche du refuge de Bremer Hütte jusqu’au refuge de Innsbrucker Hütte : 7h environ
Descente de Inssbrucker jusqu’à Neustift : 4h
La modification par rapport au programmer initial sur la randonnée du haut sentier de Stubai a consisté à se faire déposer le troisième jour non loin de la cascade de Grawaalm. (cf carte pdf)
Puis faire Grawaalm à Sulzenaualm (environ 1h) puis le refuge de Sulzenau (environ 30min) puis le refuge de Desdner (environ 2h30) et de réaliser le jour 4 et 5 comme prévu.
Le sentier d’altitude de Stubai
Quelques infos utiles :
Longueur : 120km – Durée 6 à 9j Dénivelé cumulé : 9000+ Difficulté : difficile
Camping : camping sauvage interdit mais bivouac autorisé pour la nuit si vous vous retrouvez bloquer dans des conditions difficiles (orage, obscurité)
Refuge : très confortables avec des prix abordables. Repas autour de 10e. Lit pour 20e
Carte pdf : lien
Le sentier se situe dans la vallée de Stubai, dans les Alpes autrichiennes. Il peut se faire dans le sens horaire ou anti-horaire. Mon choix était de le faire dans le sens anti-horaire.
Il y a 8 refuges le long de se sentier qui forme une boucle presque complète. Arrivé au niveau du premier refuge, vous resterez toujours entre 2000 et 3000m d’altitude avec un passage au plus au à 2880m au niveau du Grawagrubennieder.
C’est un sentier aérien alpin exigeant (et encore, je n’ai pas pu réaliser les passages les plus compliqués, entre le refuge de Stargenburger et le refuge de Dresdner, car la neige bloquait le sentier. J’espère pouvoir y retourner cette année et le réaliser en entier.
Ce reportage a été réalisé avec l’aimable invitation de l’office de tourisme de Stubai et de l’office de tourisme du Tirol. Tous les propos sont les fruits de mon expérience seule. Je ne prétends nullement à l’objectivité mais je vous faire part de mon ressenti.
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