Là-bas, au Népal, il y avait moi. Une partie de moi. Laissée là il y a bien longtemps. Dans les temps mythiques et oubliés de l’enfance.
Je suis né 3 fois en ce monde. La première fois dans l’ignorance. La seconde fois, dans la douleur. La dernière fois, au Népal, dans l’émerveillement. L’homme, enfin, ouvrit les yeux et prit son premier souffle.
Voilà la force d’un rêve qui nous porte, nous envahit et nous pousse à mener son destin sur les chemins que nous croyions impossibles et fermés à jamais. Peu importe que d’autres eussent foulés le sol avant moi, que d’autres le feront après moi, que nos minces exploits ne sont que poussières du temps qui passe. Vous et moi, nous sommes les seuls porteurs du flambeau de nos vies. Et cet éclat, cette lueur intense et vive avec laquelle notre cœur et notre âme avancent dans l’obscurité de ce monde, voilà ce qui importe. Voilà ce qui importe vraiment. Porter le flambeau et éclairer la route. La plus belle et difficile route qui soit. La nôtre. Notre route.
Au Népal j’ai vu une langue de feu sur le plus haut sommet du monde. Comme rougie par les dieux. Je l’ai vu descendant, seul, éclairé par ma maigre lampe torche au milieu des froides roches coupantes sombrant dans le sommeil de la nuit, à plus de 5000m, sur les pentes du Kala Pattar.
Qu’est-ce que j’ai ressenti en cet instant ? La force et l’attrait du Népal. Ma force et ma valeur. Toutes les dépenses, les sueurs, les douleurs, le froid et la peine endurées avaient trouvé la réponse dans cet unique moment. Je ne l’attendais pas ainsi, il est venu à moi. Je pensais le vivre alors au fameux camp de base de l’Everest mais cette révélation me fut révélée là, de manière inattendue. Sublime. Éphémère. Si pure.
Les pas de l’homme que j’étais devenu m’ont mené ici. Ils m’ont mené déjà bien loin durant ces dernières années. Sur des chemins plus difficiles et bien plus dangereux que celui du trek de l’Everest. Mais en cet instant, ils m’ont mené ici. Face à ce colosse de pierre et de glace, face à la légende. Ce mirage de feu où les plus grands aventuriers y ont écrit leurs exploits, ou tant d’hommes et de femmes ont donné leur vie pour approcher et s’accrocher à un rêve. Notre rêve.
Il y a longtemps, le rêve de l’enfant, notre rêve fut de simplement se trouver là où j’étais alors. Trop souvent on tait les aspirations de la jeunesse, avalées par les soupirs d’une vie raisonnable. D’une vie d’adulte. D’un vide d’adulte. Mais je n’ai pas choisi une vie raisonnable. Je n’ai pas accepté une vide vie, une existence sans sens et voilà pourquoi je me retrouve en ces lieux
Je me suis revu face à cette glace, dans la salle de bain exiguë de mes parents, j’avais 9 ans. Je cherchais vainement une trace de poils sur ma peau lisse et imberbe. Curieux du futur et de l’avenir qui m’attendait. Mon regard s’était levé vers mon pâle reflet. Mes yeux mer et ciel brillaient d’un éclat d’éternité. J’avais tant de questions et d’espoirs à mes lèvres.
Que deviendrais-tu plus tard ? Serai-je fier de l’homme que tu seras ? Est-ce que tu oublieras les rêves d’aventures que je porte en moi, pour toi, pour nous ? Tu ne m’oublieras pas, dis-moi ? Dis-moi que tu ne nous oublieras pas quand tu seras grand…
Non petit, je ne t’ai jamais oublié. En fait, je ne nous ai jamais oublié… il faut un temps, il est vrai, où tes mots ne résonnaient pas autant dans mon coeur qu’aujourd’hui. Il fut un temps, je l’avoue, où l’écho de ton insouciance faillit être noyée dans le chagrin de notre quotidien mais je ne t’ai pas oublié…
Tu peux regarder sans honte l’homme que les ans, les erreurs et l’expérience ont forgé. Tu peux être fier de l’homme que tu deviendras demain encore. Tes rêves nous ont mené bien loin de chez nous, toi et moi. Nous avons encore tant d’aventures à vivre et à accomplir. Prends ma main, tu sais maintenant de quoi nous sommes capables, tu sais que ce n’est que le début…
Nos pas nous mèneront encore bien plus haut. Nos rêves nous mèneront encore bien plus loin. Je suis heureux de n’avoir jamais fait taire ta voix frêle qui murmurait de si belles choses à mon coeur. Je suis heureux que les vagues d’espoirs et les songes de ton enfance aient eu l’ascendant sur le barrage austère que la société nous impose comme une voie sans issue. Une prison sans lumière. Une maison sans chaleur.
Mais tu as raison, coupons court aux réflexions moroses. Oublions-les plaintes des adultes.
Aujourd’hui et maintenant, fêtons l’instant. Rions, chantons, buvons, car l’un de nos souhaits s’est accompli ici, à cet instant, et nous a réuni, toi et moi, en ce lieu de légende, au Népal. Ici se retrouvent celui que je fus, celui que je suis devenu et celui que demain je serai.
Car certains chemins ont ce pouvoir, le pouvoir de relever, face à l’innocente nudité de notre âme, les joyaux cachés de notre enfance.
Aujourd’hui, le rêve de l’enfant est devenu la réalité d’un homme.
—
A toi l’ami qui lit ces mots… souviens-toi que notre temps est court. Si court pour devenir celui que tu étais censé être. Ne perds pas à de temps à être malheureux. Tous, nous avons un rêve. Tous, nous avons été un jour un enfant. Tous, nous méritons de prendre le chemin du bonheur. Ce chemin qui comme destin nous est à la naissance assigné, celui que tous, nous rêvons au moins une fois d’emprunter…
A lire :
Bonjour Piotr
J’ai envie de visiter Népal le pays natal du bouddhisme! Merci pour votre conseil! Bon voyage
Bonjour Piotr. Extraordinaire le monde de l’enfance, dans lequel se formate déjà le chemin de la vie. Ceci étant, je pense que la vie faite uniquement de liberté n’est pas crédible, car n’oublions pas qu’il faudra toujours des gens pour travailler (pour nous nourrir, nous soigner, nous transporter, nous faire voyager, etc…) Et qui dit carrière professionnel, dit contraintes. Voila ma modeste réflexion, dis moi ce que tu en penses.