Il y avait ce réveil fort matinal, même pour une randonnée. Surtout pour une randonnée insulaire. Un réveil vers 4h40, petit déjeuner à 5h. Oh Dieu que cela pique. Cette impression de ne plus savoir où on est avec le climatiseur qui transforme la pièce en congélateur, comme un écho à l’hiver qui approche dans nos contrées. Un petit déjeuner avalé des plus rapidement. Quelques fruits et un croissant. Cette excitation lorsque l’on enfile les chaussures comme à chaque fois qu’il y a une randonnée au menu. Le monde semble toujours plein de promesses aux premières lueurs. Lorsque la marche nous attend, il est plus facile de supporter de se faire arracher aux bras de Morphée.

Randonnée à Maurice : à l’assaut du Morne Brabant

On se salue les uns les autres dans un grognement guttural. On monte dans le combi 4 roues motrices. Le chauffeur, mauricien, nous apprend qu’il n’est jamais monté au Morne. Jamais. Un jour il le fera se promet-il. Un jour dit-il avec le sourire. Sa voix comporte ces fausses notes que l’on a tous au moins une fois sifflotées, celles des promesses de nouvel an rarement tenues. On porte un certain regard blasé sur l’environnement qui nous entoure. Souvent le quotidien ne permet plus d’en discerner la beauté, la fragilité, l’unicité même. Il faut un regard extérieur, neuf, pour nous enlever les œillères. Et même là encore cela ne suffit pas toujours car l’énergie n’est pas là.

Alors que nous, nous sommes comme des conquisador en terrain inconnu. Chaque matin un monde neuf à découvrir et à faire partager. De nouveaux plats, de nouveaux liens, de nouveaux souvenirs.

Je m’impatiente un peu alors que notre groupe doit être rejoint par des clients de l’agence Yanature qui ont eu sans doute plus de mal avec ce réveil matinal.

Enfin, après 30 minutes on décolle. Notre guide est jeune. La fraîche vingtaine. Il espère faire un grand voyage en Europe. Il n’a jamais vu la France. Pendant quelques instants, cela me paraît inconcevable. Puis je me rappelle à quel point mes moyens étaient aussi limitées lorsque jeune adulte, je rêvais d’évasion à la vision de pubs exotiques dans les sombres couloirs défléchis du métro parisien. Mes blogs voyage ont mis ce soupçon d’aventure dans ma vie qui me faisait tant défaut autrefois. L’avenir financier n’est pas forcément plus radieux. Il y a cette incertitude sur le lendemain qui pèse sur mes épaules. Épée de Damoclès tenue par les géants d’internet.L’avenir n’est pas une fenêtre ouverte sur une brise de printemps mais il n’est pas, il n’est plus, cette ligne linéaire qui semblait se dérouler sous mes yeux durant mes études. Je marche sur des chemins de traverse et ces derniers me mènent bien loin. Même ici, au pied du Morne, je mesure ma « chance » saisie quelques années auparavant. Les yeux lourds, je fais une petite première pour espérer encore de longues années d’errance de part le monde. Il y a tant à voir. On peut même se réjouir d’une petite randonnée au dessus des lagons bleutés.

La montée du Morne se fait dans un chemin forestier. Mes collègues et moi, nous remplissons nos poches de quelques détritus laissés par des touristes peu scrupuleux. Je ne le répéterai jamais assez, prenez le temps de faire ce petit effort. Oui, il y a des cons partout, que voulez-vous, mais chaque petit geste con. Chacun peut agir à la mesure de ses moyens pour limiter nos traces et notre impact.

La vue est bouchée par la couverture forestière sur la première moitié de la montée. On arrive à une jonction sur une arrête. Il y a un petit banc pour s’asseoir et contempler. On croise une nonne en basket qui se pose comme nous le feront, à contempler le monde de notre petit banc posé sur des rochers.

Il y a normalement un gardien qui surveille la grille permettant d’accéder jusqu’à la croix du Morne. Mais certains prennent quelques risques et contournes grilles et barbelés. Il y a, si je ne me trompe pas, une consigne à respecter, être accompagné d’un guide.

La montée n’est pas difficile. Il faut parfois posé ses mains et regarder où l’on pose ses pieds mais le randonneur moyen n’éprouvera aucune difficulté. On se retourne quelques fois à mesure que l’on s’élève.

On ne peut pas grimper tout en haut du Morne, seulement jusqu’à la croix. Les autres passages relèvent de l’escalade et ne sont pas facilement accessibles.

Il y a déjà du monde quand on arrive en haut du Morne alors le guide en profite pour nous raconter la légende tragique Morne Brabant. Il y avait, du temps des colonies, des esclaves qui avaient fui dans les forêts et les lieux inaccessibles de l’île. Une partie d’entre eux vivaient en autarcie sur les plateaux du Morne. Je me demande d’ailleurs comment ils y récupéraient de l’eau. Lorsque l’abolition de l’esclavage fut promulgué sur l’île Maurice, la troupe de blancs qui monta annoncer la bonne nouvelle fut prise pour des maîtres esclavagistes souhaitant récupérant leurs biens. Les esclaves pensant que l’on venait les chercher et les ramener de forcer décidèrent de se suicider plutôt que de retourner à leur condition antérieure. Des études effectuées par l’université de Maurice n’ont pas pu, à ce jour, confirmer la véracité de ce mythe orale qui a perduré jusqu’à nos jours.

Quoiqu’il en soit, la vue est superbe. Il faut être quelque peu patient pour l’apprécier égoïstement lorsque d’autres groupes sont arrivés avant nous mais j’ai pu me retrouver seul au bout de la corniche. Pas étonnant que le Morne, avec des espèces endémiques, s’est retrouvé classé au Patrimoine mondiale de l’Unesco.

 

Information techniques sur la randonnée du Morne Brabant

Longueur : 6km – Durée 3-4hAR Dénivelé positif : 500m Difficulté : facile + (quelques passages assez raides où il faut s’aider des mains)
Le terrain à partir de la grille étant privé, la montée ne peut se faire qu’avec un guide de l’agence Yanature
Prix : 40€ (soit 1500 roupies) / prs

Site unesco concernant le Morne Brabant : site


Ce voyage a été réalisé en avec l’invitation de l’office du tourisme de l’île Maurice et l’office de tourisme de Rodrigues.