Récit d’un trek au Zanskar

J‘ai froid. Si froid. Seul dans ma tente givrée comme mes cils, ballottée par quelques bourrasques matinales. Dormant habillé dans mon sac de couchage fait -seulement- pour les -20, je grelotte juste avant le réveil. Je suis aux portes de l’Himalaya, dans le Ladakh indien, en plein hiver. Traversant alors le Chadar, la rivière gelée, pour me rendre dans les villages reclus du Zanskar, quasiment coupés du monde par la neige et le froid durant ces longs mois.

Trek Ladakh Zanskar (3)

Comment en suis-je arrivé là ? Sur une lecture coup de cœur à vrai dire. Une découverte des aventures d’un collègue (Thibaud, du blog http://thibinspore.com/) dans la région, qui partagea son expérience à travers de magnifiques photos dans le magazine Repérages Voyages pour lequel j’ai travaillé.

Avant le départ, histoire de comprendre un minimum ce dans quoi je souhaitais me lancer (même un peu casse cou, on ne s’embarque pas non plus totalement les mains dans les poches dans une région reculée, à 3000m d’altitude ou la température à l’abri peut descendre sous les -25), je me suis entretenu avec Anne Becel. Son expérience de quelques mois dans cette contrée recluse à donner des cours d’anglais à ces enfants zanskaris aux sourires aussi immaculées que les sommets qui entourent la vallée était inestimable. Chose amusante, des années plus tard, je retrouvais Anne à qui je proposais de nous rejoindre dans les projets du collectif outdoor TeamAventuriers. Découvrez une partie de sa magnifique galerie de portraits concernant son séjour au Zanskar ici

Grosso-modo, le plan initial était de traverser seul ou accompagné le mythique Chadar. En aparté, non, après recul, on ne traverse pas seul le tortueux et parfois dangereusement traître Chadar. Comme pour m’encourager dans cette rocambolesque entreprise, le ciel mis sur ma route des billets à prix bradés pour l’Inde, m’amenant à dégainer, sans une once de réflexion, ma carte bleu pour m’en emparer. De fait, je pris les billets pour Mumbai, fit mon sac sans avoir aucun hébergement de confirmé, aucun contact avec un ladakhi sur place. Anne m’avait bien donné le numéro d’un moine faisant la traversée hivernale du Chadar mais il ne me réussit pas. Ma stratégie logistique était limpide. Elle consistait au simplissime« Bah, je verrais bien sur place » J’ai une allergie manifeste à une planification trop stricte du voyage. Savoir où je vais m’est suffisant. Comme pour la Tanzanie et mon souhait d’ascension du Kilimandjaro, je laissais les aléas des rencontres sur place arranger miraculeusement mon agenda.

Trek Ladakh Zanskar (1)

A Mumbai, je m’empresse de trouver sur place des billets d’avion pour Leh, non sans passer 1h30 à négocier dans une petite échoppe indienne sous un pont d’autoroute pour ne pas me faire arnaquer sur le prix, me retrouvant par la suite à dormir transitoirement avec d’autres indiens à même le sol de l’aéroport en attendant mon vol. Je me souviens de mon cœur battant alors que l’avion, semblant slalomer entre les montagnes environnantes, entamait sa lente descente sur la petite piste enneigée de la ville de Leh.

trek Ladakh - Chadar

Au petit aéroport de Leh, je monte dans le premier taxi dont le conducteur me sourit. Je découvre alors que l’anglais n’est pas le fort du chauffeur mais en contrepartie, il est fort sympathique. L’adresse de mon hostel pas cher glané sur la toile et gribouillé rapidement dans mon carnet de bord s’avère évidemment infructueuse. C’était ma bouée trouée. Néanmoins, je me démène fort bien dans les eaux troubles de l’imprévu. Un peu penaud, devant la devanture des portes fermées de mon hypothétique hostel en plein hiver, je réfléchis à une solution pour ne pas rester dans la rue à la nuit tombée. L’hiver c’est la basse saison au Ladakh. Et en hiver, il n’y a pas grand monde qui vient y faire du tourisme ! J’imaginais mon ange gardien me regardant, là haut, prenant la tête entre ses mains en marmonnant quelque admonestation biblique me damnant pour les cinq prochaines réincarnations à venir, totalement désespéré de pouvoir soigner un jour ma désinvolture maladive. Ainsi, appelons cela l’heureux hasard des rencontres, sur la dizaine de touristes qui devaient traîner dans la ville à cette date, il se trouve deux japonais passant par ma petite rue. Deux japonais qui justement font la traversée du Chadar. Ceux qui se rendront à Leh en plein hiver, sauront reconnaître la rareté de cet événement. Ils venaient de rentrer du centre ville de Leh pour finaliser des achats de dernière minute avant le départ pour leur trek, dont le départ devait se faire dans la journée même. Naturellement, n’ayant nulle part ou aller et rien de mieux à faire, je les suivis. La famille qui les hébergeait m’accueille également. Ils ont justement plein de chambres de libre. Une aubaine.

Trek Ladakh Zanskar (2)

Je reste donc dans leur salon privé, en compagnie de toute la famille, seule pièce chauffée de la maison aux couloirs glacés. Leur fils avait des rudiments d’anglais. Comme il va de soi en pareil situation, face à mon souhait de traverser le Chadar, ils font appel à un local qui propose, avec son agence outdoor, d’effectuer la traversée du Chadar. Cela tombe bien, le lendemain, un groupe d’indiens effectue la traversée. Quelques négociations et arrangements à l’indienne plus tard, l’affaire est donc conclue. Je me joindrai à me joindre à eux. Et voilà comment, quelques heures après mon arrivée à Leh, j’ai un lit pour la nuit et l’agenda de mes prochaines semaines au Ladakh bouclé. Mythique Chadar, rustique Zanskar, me voilà.

 

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